Aborder les littératures francophones par le lexique avec le numérique

Quels outils numériques mobiliser pour faire étudier le lexique aux élèves, afin de développer leurs compétences de compréhension et d’expression écrite et orale ?

Mis à jour : novembre 2024

Introduction

Le travail sur le lexique occupe une place importante dans les apprentissages des élèves du second degré. Maîtriser le vocabulaire est essentiel pour comprendre et interpréter les textes, qu'ils soient littéraires, scientifiques ou historiques. Un lexique riche et varié permet non seulement de mieux saisir les nuances des textes étudiés, mais aussi d’enrichir sa propre langue pour s'exprimer avec précision et clarté. Cette compétence est particulièrement importante pour les épreuves du diplôme national du brevet (DNB) et du baccalauréat, où la qualité de la langue et de l’expression font partie des compétences évaluées à l’oral comme à l’écrit.

Dans la découverte des littératures francophones, le travail sur le lexique prend une dimension particulière : souvent nécessaire pour accéder au sens, il peut également permettre une réflexion sur la diversité de la langue et ses évolutions en fonction des influences culturelles, géographiques ou linguistiques. Aborder les littératures francophones par le lexique oriente alors la réflexion non seulement sur la polysémie, mais aussi sur l’expressivité des mots.

Au collège comme au lycée, les outils numériques permettent de mettre en place des activités autour du lexique régulières et variées, pour renforcer la compréhension et l'appropriation des textes, tout en préparant les élèves à une communication écrite et orale plus efficace.

Deux événements importants

Chaque année, deux événements peuvent donner l’occasion d’un travail du lexique en lien avec la francophonie :

  • la Semaine de la langue française et de la Francophonie, organisée autour du 20 mars, journée internationale de la Francophonie ;
  • le concours scolaire de l’opération « Dis-moi dix mots », dont les productions pourront être valorisées lors de la Semaine de la langue française et de la Francophonie, du 15 au 23 mars 2025. 
    L’appel à projets est actuellement ouvert sur ADAGE jusqu’au 30 janvier 2025.

Les thèmes de ces deux événements sont toujours liés : pour l’édition 2024-2025, c’est le thème « Dix mots pour la planète » qui a été retenu.

Enrichir le lexique : quelles méthodes ?

En didactique du lexique, la fiche Le Vocabulaire et son enseignement – Lexique et vocabulaire : quelques principes d’enseignement à l’école rappelle trois stratégies impondérables :

  • donner la priorité au verbe ;
  • ne pas séparer le vocabulaire de la syntaxe ;
  • tenir compte de l’organisation des sens dans un mot qui en a plusieurs, en partant du mot et non de la chose.

Des ressources sur le site éduscol

La page Enseigner le vocabulaire propose des pistes pour développer la conscience orthographique, mais aussi la contextualisation des mots et leur exploitation, à l’oral comme à l’écrit, afin de permettre aux élèves d’intégrer plus efficacement leurs usages et leurs sens.

Dans cette perspective, la fiche Le mot « raison » dans Le Loup et l’Agneau de La Fontaine] propose un exemple de travail invitant les élèves, non pas à découvrir le sens de tous les mots nouveaux du texte, mais à s’intéresser à la polysémie des mots fréquents, dans des constructions qui leur permettront de les réemployer à leur tour. La Liste de fréquence lexicale] attire ainsi l'attention sur des mots très fréquents que les élèves utilisent peu, voire pas du tout, parce qu'ils ne les comprennent pas bien.

Les fiches Lexique et culture constituent quant à elles des outils de travail très riches, en collège comme en lycée, pour aborder non seulement l’histoire des mots et des familles de mots, mais aussi leur polysémie, en particulier dans un contexte d’interdisciplinarité.

Enfin, deux guides fondamentaux pour l'enseignement posent un cadre institutionnel et didactique à l’étude du lexique : 

Étudier le lexique en langues et cultures de l'Antiquité avec Odysseum

Un mot illustré : « automatique »

Sur le site Odysseum, cette séquence pédagogique en Langues et Cultures de l'Antiquité (LCA), adaptée au collège comme au lycée, se concentre sur l'exploration de l'adjectif « automatique » en combinant l'analyse textuelle et iconographique pour contextualiser ce terme.

Elle ouvre ensuite vers des thématiques plus vastes, abordant le concept d'automate, la position des entités artificielles parmi les êtres vivants, ainsi que les limites entre l’illusion et la réalité, le naturel et l'artificiel.

Thétis et Héphaïstos soutenu par ses servantes, Johann Heinrich Füssli, 1803, Kunsthaus, Zurich

Quelles pratiques pour aller plus loin ?

Pour mettre en place des séances spécifiquement consacrées au lexique, la linguiste Anne Sardier, dans sa conférence « Former à l'enseignement-apprentissage du lexique : discussion lexicale et réemploi » (IFÉ / Centre Alain Savary, 23 janvier 2023), ouvre des pistes enrichissantes autour du dispositif des « mots-amis » et de la discussion lexicale qu'il permet de mettre en place.

Enrichir le lexique : quels outils numériques ?

Les logiciels de cartes mentales ou de création de diaporamas peuvent être mobilisés pour réfléchir, par exemple, aux relations que les mots entretiennent au sein d’un même champ lexical, ou d’une même famille (comme dans ce scénario proposé par l’académie de Versailles au Rendez-vous des Lettres 2021).

Cependant, l’apport le plus évident du numérique pour le travail sur le lexique réside dans les outils donnant accès à des connaissances lexicales ou permettant d’organiser progressivement ces connaissances.

Il se répartissent en deux catégories :

  • dictionnaires en ligne directement mobilisables par les élèves ;
  • applications numériques permettant la création de fiches de vocabulaire, accompagnées ou non de sons et d’illustrations.

Dictionnaires en ligne directement mobilisables avec les élèves

Nom et lien Caractéristiques
Dictionnaire de l’Académie française

Dictionnaire très accessible aux élèves à partir du cycle 3, particulièrement dans sa version actuelle (la 9e).    
Il propose :

  • les définitions et étymologies des mots ;
  • une liste de « voisinage alphabétique » ;
  • une « histoire du mot » à travers les différentes versions du dictionnaire (de la première, en 1694, à aujourd’hui) ;
  • des liens externes.
Dictionnaire Usito

Dictionnaire conçu au Québec pour tous les francophones et francophiles intéressés par une description ouverte du français (réalisation de l'Université de Sherbrooke).

Il propose : 

  • les prononciations, définitions et étymologies des mots ;
  • leur orthographe (avec lemmatisation) ;
  • les mots apparentés ;
  • la possibilité de navigation par classes grammaticales, particularismes, emplois critiqués ou officialisés, par éléments de formation (suffixes, préfixes, etc.).
DDF – Dictionnaire des francophones

Plateforme de partage de plusieurs dictionnaires du français parlé partout dans le monde.

Il propose : 

  • une étymologie sommaire du mot ;
  • ses définitions dans les différentes zones géographiques de la francophonie, avec distinction entre sens spécifique à une zone et sens partagé par toutes ;
  • la possibilité de contribuer à ce dictionnaire.
Le Dico Elix

Dictionnaire de langue des signes française

Il propose :

  • des définitions sommaires des mots ;
  • pour chaque sens, une vidéo montrant le signe correspondant en langue des signes française (LSF), ainsi qu’une vidéo transcrivant la définition du mot ;
  • une application mobile (Android, iOS) ;
  • un module « bulle Elix » pour les navigateurs Chrome, Firefox et Safari.

Face à la richesse de ces ressources, Réseau Canopé met l’accent sur les possibilités offertes par l’utilisation des lexiques numériques et les pistes que ces outils ouvrent en matière d’enseignement, mais aussi sur la nécessité de former les élèves à leur utilisation.

Élèves allophones : des applications pour créer son propre dictionnaire, avec ou sans images

Le site du CASNAV de l’académie de Nantes propose, pour les élèves allophones une approche spécifique du lexique par le travail avec les imagiers]. Celui du CASNAV de l’académie de Strasbourg met quant à lui à disposition des enseignants quelques exemples d’imagiers prêts à l’emploi.

Certaines applications mobiles, pour smartphones ou tablettes, proposent également aux élèves de construire le leur :

Nom et lien Caractéristiques
Leximage

iOS / Développée par le CAVILAM – Alliance Française

Leximage est une application gratuite qui permet de créer son dictionnaire personnel en images, texte et son.

Leximage +

Android, iOS / Windows, Mac OS X, Linux – Développée par le CAVILAM – Alliance Française

Application gratuite et entièrement hors ligne qui propose de consulter et d’enrichir un dictionnaire multimédia de plus de 750 mots en français, principalement à destination des primo-arrivants et des personnes (enseignants, bénévoles) qui les accompagnent, ainsi que des exercices (association mot-image, mot-son, etc.).

Elle permet d’ajouter des images, du texte et du son.

Anki

Android (gratuit), iOS (payant), application web (gratuite)

D’abord conçu pour faciliter la mémorisation en tenant compte des principes des sciences cognitives, Anki s’avère très pratique non seulement pour constituer un imagier, mais aussi pour travailler sur la polysémie des mots ou les inscrire dans des réseaux lexicaux.

Si les applications Leximage et Leximage + sont assez nettement orientées vers la création de fiches illustrées, le logiciel Anki permet, quant à lui, la création de fiches lexicales plus complexes, avec ou sans images ou sons, et propose également la mise en place d’un apprentissage espacé tel que le recommandent les sciences cognitives, pour faciliter la mémorisation des mots par les élèves.

Son utilisation peut donc s’inscrire dans le développement du vocabulaire tel que le préconise, pour les élèves allophones, le CASNAV de l’académie de Versailles, avec mise des mots en contexte et en réseau.

Pour aller plus loin

Quelques dictionnaires et ressources en ligne

Les ressources numériques qui suivent, issues du monde de la recherche et souvent complexes d’utilisation, ne sont pas directement destinées à un usage en classe avec les élèves, mais plutôt à celui du professeur, pour la préparation de ses cours :

Nom et lien Caractéristiques
Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL)

Site agrégeant plusieurs dictionnaires en ligne, et présentant dans des onglets différents la morphologie du mot étudié, ses définitions, son étymologie, ses synonymes, ses antonymes ainsi que son environnement proxémique.

Présentation détaillée par l’académie de Versailles : « Quelle plus-value du CNRTL pour les professeurs de Lettres ? »

Dictionnaire électronique des synonymes (DÉS) du CRISCO

Dictionnaire électronique des synonymes (DÉS) de l’université de Caen

Présentation

Les Atlas sémantiques Site expérimental proposant des calculs et visualisations de synonymie et d’antonymie.
Base de données lexicographique panfrancophone (BDLP) Projet international qui s'inscrit dans l'entreprise du Trésor des vocabulaires français, lancée par le professeur Bernard Quemada dans les années 1980. Son objectif est de constituer et de regrouper des bases représentatives du français de chacun des pays et de chacune des régions de la francophonie.
Français de nos régions (FDNR) En version mobile (Android, iOS) : une application pour documenter les variations du français dans les différentes zones du territoire français.
Gallicagram Un outil de lexicométrie pour la recherche développé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson (ENS Paris Saclay), qui permet de chiffrer les usages d’un mot dans un corpus donné sur Gallica.
Voyant Tools Ensemble d’outils de lexicométrie qui, à partir d’un texte, permettent de visualiser les mots les plus employés (sous la forme d’un nuage de mots), la fréquence et la fréquence relative de chaque mot, la densité du vocabulaire, et le contexte de chaque mot.

Le CNRTL, réunissant plusieurs dictionnaires en ligne, fournit les définitions et les exemples d’emplois les plus exhaustifs ; ses définitions souvent très complexes le rendent difficile à mobiliser sans accompagnement pour les élèves ; en revanche, il permet au professeur une préparation très fine des mots sur lesquels il veut les faire travailler. Dans la même veine, le Dictionnaire électronique des synonymes nécessite, pour être utilisé efficacement, de maîtriser déjà la plupart des synonymes listés. Les Atlas sémantiques et la Base de données lexicographique panfrancophone sont quant à eux orientés vers la recherche ; leur utilisation mobilise des compétences déjà très avancées.

Plus ludiques, les outils de lexicométrie Gallicagram et Voyant Tools permettent de mettre en avant des tendances lexicométriques. L’académie de Strasbourg en présente deux dans ce scénario Édubase pour une utilisation appliquée à l’étude de Mes forêts d’Hélène Dorion en classe de première.

Pour approfondir les dynamiques langagières de la francophonie

Assurés sous la direction de Salikoko S. Mufwene d’avril à juin 2024 au collège de France, la série de cours Dynamiques langagières dans l’univers francophone propose une interprétation alternative de l’histoire du français inspirée par des recherches sur la genèse des parlers créoles.

La vidéo de TV5 Monde La francophonie, c’est quoi ? est quant à elle mobilisable pour amorcer la réflexion sur la francophonie et sur les littératures francophones avec les élèves de collège et de lycée.

Sur le site Géoconfluences, l’article Où en est la francophonie ? peut permettre de poser un cadre à la réflexion sur l’émergence des littératures francophones en lycée, en faisant éventuellement le lien avec l’histoire-géographie ou l’enseignement de spécialité histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP).

Intelligences artificielles génératives et travail du lexique francophone

Lorsqu’il s’agit d’expliciter le sens d’un mot en contexte, les grands modèles de langage comme Copilot ou Perplexity, tous deux utilisables sans création de compte, peuvent s’avérer utiles pour les élèves. Si on leur demande par exemple d’expliquer le mot raison dans le vers de La Fontaine « La raison du plus fort est toujours la meilleure », tous deux soulignent qu’il ne s’agit pas de la faculté de raisonner, mais de la capacité à justifier ses actions. Ils permettent donc d’éclairer le sens du mot en contexte.

De la même manière, il est possible de leur demander des synonymes, antonymes, périphrases correspondant à ce mot, ou de faire appel à elles pour préciser ce qui distingue deux mots de sens proches dans un contexte donné. Elles peuvent également reformuler un texte en simplifiant dans une certaine mesure le vocabulaire employé : dans ce scénario Édubase de l’académie de Versailles, l’IA est ainsi utilisée pour proposer aux élèves, en étayage, une version simplifiée d’un extrait complexe.

Il convient toutefois de souligner le fait que ces IA ne « comprennent » pas à proprement parler les textes, mais sont tributaires, dans la sélection du sens des mots, de leurs sources et de leur corpus d’entraînement, qui incluent rarement les textes issus des littératures francophones. Avant d’inviter les élèves à les solliciter, il est donc important de vérifier quels types de réponses, appuyées sur quelles sources, elles pourront leur apporter. Dans le cadre d’un travail sur les littératures francophones, les IA génératives peuvent tenter d’éclairer le sens d’un mot d’après son contexte, mais n’ont généralement pas accès à la définition proprement dite de ce mot.